Meet Lightspeed Champion

Sous le nom de Lightspeed Champion, Devonté Hynes sort cette année un deuxième album mais l’ancien guitariste des allumés de Test Icicles en a en fait enregistré 6 ces deux dernières années, parmi de multiples autres projets vidéo ou graphiques. Une hyper-activité qui ne semble pas étonner le New-Yorkais, qui nous explique que les idées lui viennent simplement à l’esprit tous les jours, et qu’il suffit alors de les mettre en œuvre. De passage à Paris pour la promotion de « Life is sweet, nice to meet you ! », j’ai rencontré le prolifique Devonté dans la cave du Truskel avant l’enregistrement d’une session acoustique pour le magazine Magic. Axl Rose et Brian Wilson devraient en prendre de la graine.

Bonjour, « Nice to meet you ! »

 Pour commencer, Lightspeed Champion, est-ce un alias, ou un alter ego ?

C’est plutôt une sorte d’alias. J’ai différents noms que j’utilise. Je pourrais juste utiliser mon vrai nom, Devonté Hynes… Mais je ne le fais pas ! Je  l’envisage à vrai dire…

Ok, donc Devonté ne se transforme pas en Lightspeed Champion quand il arrache sa chemise, comme Clark Kent…

(Rires) Non, c’est juste un surnom… Un surnom très bizarre qu’aucun de mes amis n’utilise d’ailleurs.. !

Tu avais dit que Lightspeed Champion serait un projet temporaire, qui n’était pas destiné à durer. Aujourd’hui, tu sors un deuxième album sous ce concept : qu’est ce qui t’a amené à le faire ?

Je ne sais pas… Finalement, c’est surtout parce que je n’avais pas d’autre nom pour le sortir ! En fait, c’est un peu perturbant, parce que j’ai un album qui sort plus tard dans l’année, sous un autre nom ! Mais cet album là avait une espèce de connexion avec le précédent, il y avait un lien entre les deux, donc il est sorti sous ce nom là. C’est vraiment perturbant, parce que j’enregistre tellement de choses en ce moment, beaucoup de genres différents, et sous des noms différents ! En fait, on pourrait dire qu’il y a beaucoup plus que deux albums de Lightspeed Champion…

Cet album sous le nom de Lightspeed Champion n’est qu’une partie d’un ensemble bien plus grand, celui de Devonté ?

Oui, c’est ça, un ensemble de 6 ou 7 albums que j’ai enregistrés l’an dernier, l’année d’avant.

Ce qui est amusant, c’est que tu as l’air d’être accro au travail, alors qu’en fait, c’est juste que, quand tu as une idée, plutôt que de la remiser, tu l’exploites jusqu’au bout… Tu as une façon de travailler qui a l’air très spontanée.

C’est ça, j’ai énormément d’idées, je pense sans cesse à un « type d’album » que j’aimerais enregistrer, et quand l’idée est mûre, je le fais ! Je me dis juste « pourquoi je ne le ferais pas ? ».

Tu sors 6 albums en 2 ans quand certains artistes sont incapables de composer pendant des années, ou passent des années à peaufiner un enregistrement. Ca paraît vraiment facile quand tu en parles.

Oui, je pense que ça m’est facile parce que finalement, je ne me prends pas la tête, je prends les idées telles qu’elles viennent, je ne me demande pas si ça collera ou si ça me correspond, qu’importe : si j’ai eu l’idée, alors ça vient de moi ! C’est un peu égoïste, je fais vraiment tout ça pour moi, en m’écoutant. Ca me permet de ne pas m’inquiéter de ce que les auditeurs vont en penser, aimer ou non. Il y a tellement de musique à écouter, il y en a autant, même plus, à jouer ! Je l’enregistre, et je le sors !

Tu distribues tout ce que tu enregistres ?

Je joue en général vraiment pour moi… Parfois pour des amis aussi, quand ils viennent prendre le café ! Et parfois, je distribue. Quand j’estime que ça vaut le coup que les gens l’entendent. Quand il y a vraiment du travail derrière la chanson, en fait ! Parce qu’il arrive qu’il n’y ait vraiment pas grand-chose… Du genre « Oh ! Une chanson ! »… Il faut qu’elle ait demandé un peu de génie… (Rires) Dans ces cas là, je me dis qu’elle « mérite » de sortir.

Donc il faut s’attendre à ce qu’à ta mort, on nous sorte un pack de 10Go d’enregistrements inédits de Devonté Hynes ?

Oui, voilà, exactement, des chansons très faciles !

Sur tous tes albums, tu écris toutes les chansons et composes toutes les parties. Comment se passe la phase de transmission aux musiciens, comment leur passes-tu l’impression que tu as d’un morceau quand tu l’écris ?

Je travaille beaucoup seul en amont. J’enregistre des démos de tout ce que je fais. J’ai généralement toutes les instrumentations écrites ou au moins très claires dans mon esprit à ce moment là. Je m’enferme dans la salle de répétition que j’ai chez moi. J’essaie de n’aller en studio qu’au dernier moment. C’est pour ça que j’y passe très peu de temps. Certains groupes y vont pour des mois, j’y vais pour une semaine et demie, et ça me parait déjà trop long ! Je préfère passer du temps à peaufiner les compositions chez moi, puis écrire les partitions pour les faire apprendre aux musiciens, et répéter, répéter, répéter jusqu’à ce que tout soit calé et finalement enregistrer la version finale. C’est généralement comme ça que ça se passe. Je prépare tout, puis j’amène au dernier moment les musiciens, leur donne les partitions, puis nous allons au dernier moment en studio enregistrer le tout. Et après ça, je fais encore énormément de doublage, de retouches, dans mon coin, sur les guitares, le piano, beaucoup de choses. La phase studio est très courte, j’y tiens.

9 jours pour « Life is sweet ! Nice to meet you ! »

Oui, voilà, très courte !

J’imagine que la phase de production demande aussi beaucoup de travail, car les arrangements sont complexes, et qu’il y a beaucoup de pistes qui se mélangent…

Oui, mais finalement, comme j’ai en tête exactement ce que je veux, cela va assez vite, car pendant l’enregistrement, je sais déjà comment vont sonner les chansons. J’y passe de très longues journées, mais je termine ça rapidement, car je connais très bien les morceaux et la façon dont je les ai imaginés. Une anecdote amusante à ce sujet : j’ai écrit beaucoup de parties de piano pour cet album, des passages compliqués, car je n’avais pas prévu de les jouer. Et puis il s’avère que j’ai été pris par le temps, et j’ai eu un problème de budget et donc je n’ai pas pu apprendre ces parties aux musiciens. Donc ça m’a pris une journée entière –et ça peut paraître court, mais pour moi, ça me paraît une éternité- pour apprendre les morceaux. Je suis resté assis devant ce piano, à jouer les morceaux, encore et encore, des morceaux de 4 minutes, toute une journée. Je les sentais me rentrer dans la tête avec une perceuse… Mais finalement, je les ai joués moi-même !

Donc au milieu d’un travail si intense, les reprises sont une espèce de récréation ?

 

Oh, les reprises sont pour moi plutôt un travail d’apprentissage. En reprenant une chanson, j’apprends à comprendre comment elle a été faite. J’adore ça, comprendre ce qui fait une chanson : étudier chaque partie et voir comment elles s’imbriquent, se superposent jusqu’à donner une chanson, une belle chanson. Le jour où j’ai enregistré « 69, année érotique », j’étais en fait en studio, j’enregistrais plusieurs parties pour une chanson, et finalement, on a terminé la session très tôt… Donc comme on était sur place, et que je déteste perdre mon temps, surtout en studio, et que cette chanson me trottait dans la tête, on a fini la journée en enregistrant chaque piste, la basse, la guitare, la batterie, j’ai appelé Valentine et lui ai dit de passer et voilà, on l’avait ! C’était très agréable, on s’est beaucoup amusé…

Tu as repris Devil in Disguise, Elvis Presley est une influence assez évidente pour tout artiste rock/pop. Pour ce qui est de Gainsbourg, c’est moins évident, venant d’un artiste anglo-saxon. Quelle influence a eu sa musique sur toi, quel est son héritage ?

C’est une énorme influence pour moi, peut-être même la plus importante ! Mes influences concernent plutôt la mentalité des gens. Leur musicalité est quelque chose, ce qu’ils ont enregistré compte, mais le plus important, c’est vraiment leur attitude plutôt que leur musique, face à leur époque. Gainsbourg, Marvin Gaye, Neil Young… J’aime leur attitude. Je crois que j’ai à peu près tout ce que Gainsbourg a touché dans sa vie. (Rires) J’ai vraiment un tas de trucs qui lui ont appartenus dans ma collection.

Qu’est ce que tu peux nous dire sur Blood Orange ?

Je termine l’album la semaine prochaine. Ca devrait sortir cet été. Finalement ça n’est que « l’album suivant de Devonté Hynes », ça n’est pas quelque chose de très différent de Lightspeed Champion pour moi. Beaucoup de monde en parle comme un side-project, mais pour moi c’est juste l’album suivant, que j’ai enregistré l’an dernier après avoir terminé d’enregistré Life is sweet. C’est d’un style assez différent. Je pense que j’y ai fait travailler ma voix beaucoup plus. Ca m’a pris beaucoup de temps, d’ailleurs. C’est aussi beaucoup plus dansant, et sur quelques titres, un peu mélancolique tout de même. Enfin je me suis beaucoup amusé à le faire.

Tu disais plus tôt que tu faisais beaucoup de choses seul, que la musique était quelque chose de très égoïste : tu n’as aucun projet de collaboration, de super-groupe ?

 

En fait, j’aime beaucoup travailler avec d’autres personne sur leur musique, mais quand ça concerne la mienne, j’aime faire ça seul, parce que j’ai des envies très spécifiques, très précises.

Mais pas de projet du type « The Last Shaddow Puppets », une collaboration avec un autre artiste, en vue ?

 

Ca pourrait arriver, si. Le principal problème est que je vais très vite et que j’ai donc souvent du mal à m’accorder avec un autre compositeur, à d’autres méthodes de travail. J’ai remarqué dernièrement par exemple que je travaillais beaucoup plus efficacement quand je n’avais pas d’ingé son autour de moi, parce que j’aime essayer des choses qu’ils n’aiment pas vraiment… J’ai des espèces de lubies parfois, du genre « aujourd’hui, j’enregistre tout en une prise », des trucs du genre. C’est mon truc en ce moment, le coup de la « prise unique », sur les 2 ou 3 derniers albums… Je n’imagine pas en ce moment ne pas enregistrer le chant en une seule prise, comme un plan séquence…

Ce soir tu joues pour Magic RPM un set épuré, guitare/voix. Comment comptes-tu transformer la musique très riche, luxuriante de l’album en un set aussi simple ?

 

Je n’ai jamais essayé de choses de ce genre avant. Je pense que le truc, c’est de jouer calme, doux. Je pense que quand tu joues quelque chose fort, ça le rend très aiguisé, très perçant, alors que le calme va l’aider à s’étaler, à occuper l’espace. Je vais essayer quelque chose comme ça.

De quoi devrais-tu arrêter de te plaindre ? (Ndla : « I should stop complaining » sur The Big Guns of Highsmith)

 

(Rires) Oh, à propos de la nourriture en Angleterre par exemple ! Mais j’ai bien mangé aujourd’hui… The Big Guns of Highsmith est une des chansons dont je suis le plus fier.

Et que veux-tu nous dire pour conclure cette interview ?

J’ai des amis à Los Angeles, qui s’appellent Cryptacize ( http://www.myspace.com/cryptacize ) et la fille qui chante dedans, qui s’appelle Nadelle, chante aussi sur quelques titres de Blood Orange. Ils ont sorti un album l’an dernier appelé Mythomania et c’est vraiment l’album que j’ai préféré en 2009, même si personne n’en a vraiment parlé. Tu devrais écouter !

Life is sweet, nice to meet you ! sorti le 15 février chez Domino/Pias.

http://www.myspace.com/lightspeedchampion

Propos recueillis par Jean-Philippe Régnier.

Merci à Jérémy pour l’organisation.

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